Meriem Bekkali
Il y a des années que je n’ai pas écrit en langue arabe. Pourtant, je ne me rend compte de sa disparition que ces derniers jours.Une disparition intrigante ! serait – elle exilée quelque part ou morte comme ces arabes musulmans qui meurent chaque jour en défendant leur patrie, identité et existence ? serait –elle devenue un chef d’oeuvre dans un musée car quand je me rappelle d’elle, ce sont les bas-reliefs, les plâtres et les bois ciselés, les vitraux, les cristaux taillés, les mosaïques et toutes les œuvres d’art que je vois. Cette disparition serait-elle un secret de l’inspiration, de l’écriture ou du thème ?
face à sa disparition, je reste frustrée. Aucun signe de vie, aucune trace à suivre. Je n’ai que le souvenir de ces moments de joie , de plénitude qu’elle me procurait quand elle se présentait pour dater mes peines et mes méditations comme s’elle était fière de moi. C’est pour cette raison d’ailleurs que sa présence était toujours pour moi un événement, un acte de bravoure, une prouesse. Elle me rappelle toutes ces personnes exilées, grandioses et ascétiques.
Elle a disparu avec tous les sujets que je n’ose pas aborder, avec tous les engagements que je ne peux assumer, avec une part de mon identité. Quand je l’ai pleurée un jour, de ces larmes versées par le poète Mahmoud Darwich pour une langue qui « cherche les siens, ses conteurs et se jette dans les dictionnaires. »
Sans elle, je ne suis qu’une handicapée. Ma langue en écrivant me reconstitue, me ressuscite et me rend bel et bien ma dignité, mon équilibre et ma vie.